dimanche 30 mai 2010
De la stabilité de l’arc dépend l’envol de la flèche
J'adore ce texte. Alors je vous le fais partager.
On a dit de l’enfant qu’il est le père de l’homme, en ce sens que l’on décèle entre 4 et 12 ans, tous les signes avant-coureurs qui détermineront chez lui, son caractère, ses motivations et sa ligne de conduite.
Mais on peut parfois se tromper sur la fiabilité de ces signes avant-coureurs et le père oui, surtout le père, se trouve parfois déconcerté, après cet intervalle, de constater que sa propre progéniture qu’il croyait «prédestinée» de la sorte, grâce à ses propres gènes et au type d’éducation inculquée, fait de la résistance et outrepasse les règles fondamentales de cette évolution annoncée. Parfois, aussi, et avant d’atteindre cet âge limite, il tend même à rebrousser chemin, ses facultés allant s’amenuisant, à l’image du «vieux père» dont un début de sénilité est venu s’installer dans l’esprit et le corps.
A l’époque où nos enfants étaient entre ces deux âges, le collectif de la galerie Attaswir , dont nous faisions partie (un espace d’art de Tunis, disparu depuis), organisait un parcours pour l’enfant, à travers le dessin et manière de revaloriser la création artistique spontanée chez ces tout petits bonshommes, une autre de vérifier l’adage en question et, encore une, de faire un pied de nez aux artistes adultes égocentriques, prétentieux et vaniteux.
Nous nous sommes alors aperçus que l’enfant est une véritable banque à images et qu’il ne thésaurise pas dans la mesure où ses fonds sont inépuisables, un peu comme si la «dépense» continuelle engendrait en elle-même (et par elle-même) de nouvelles richesses. Cette enfance merveilleuse, c’est celle-là même qui nous a habités et qui est encore quelque part en nous. Nous la regardions ainsi présente, à la galerie Attaswir, avec tout son gestuel, ses fantaisies et son charme mystérieux, insaisissable.
Nous observions les formes et les couleurs s’organiser grâce à une logique interne où l’enseignement des Beaux-arts aurait un piètre poids, devant tant de vues fantasmagoriques, tant de poésie.C’est ainsi que certains pères, comme nous, se mirent à saisir le pourquoi d’une telle «résistance» ou d’un tel amenuisement des facultés chez leurs enfants. L’art, enfin la création artistique devenait cette voie royale pour redynamiser l’enfance et lui assurer son plein essor. Et à propos d’«essor» ou, mieux encore d’«envol», c’est à Khalil Gibran que nous avions fait référence, à l’époque, au sujet de «la création chez l’enfant». Une référence qui est un appel à la vie elle-même, pour ce père de l’homme.
«Vos enfants, dit Khalil Gibran, ne sont pas vos enfants. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées. Car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes. Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves. Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux, mais ne tentez pas de les faire comme vous. Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier».
Quant à l’«essor» ou l’«envol» de l’enfant, Khalil Gibran possédait déjà une attitude zen (celle du tir à l’arc) pour aider les parents à mieux faciliter la tâche à leur progéniture. Voici cette attitude, véritable philosophie de la vie en soi : «Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
L’Archer voit le but sur le chemin de l’infini, et Il vous tend de Sa puissance pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
Que votre tension par la main de l’Archer soit pour la joie; car de même qu’Il aime la flèche qui vole, Il aime l’arc qui est stable».
Inutile donc de blâmer l’enfant si nous-mêmes sommes instables à ce point. N’est-ce pas!
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