dimanche 30 juin 2013

Peut-on se fier à son intuition ?

Un bel article sur l'intuition dans le magazine  Sciences Humaines
Extraits

Qu’est-ce que 
le flair de l’expert ?


« Regarde, un épervier ! » Avec l’expérience, l’ornithologue sait identifier d’un coup d’œil un oiseau en vol. Si vous l’interrogez pour savoir comme il peut l’identifier aussi vite sans le confondre avec une buse, il ne saura pas forcément vous l’expliquer. À force d’observer et comparer, les experts finissent par voir les choses d’un premier regard. En ornithologie, cette capacité d’identification rapide s’appelle le « jizz », terme dont on connaît mal l’origine (4).

Le jizz peut s’appliquer à bien d’autres domaines d’expertise : celui de l’antiquaire à qui il suffit de quelques secondes pour reconnaître l’origine d’un objet, celui du médecin pour identifier une maladie…

Deux types d’explication s’opposent pour rendre compte de l’intuition de l’expert. Parfois, on lit qu’il s’agit d’une « vision globale » acquise au fil de l’expérience, parfois qu’il s’agit d’une capacité de voir des détails infimes. En réalité, les deux explications ne s’opposent pas.

Car reconnaître une forme globale est également ce qui permet de discerner rapidement le « détail qui cloche »… Nous faisons tous cette expérience dans le domaine courant : la reconnaissance des visages. Pour identifier mon collègue de bureau, une vision globale suffit. Mais si quelque chose cloche par rapport à d’habitude – le timbre de la voix qui changé, les yeux cernés, une nouvelle coupe de cheveux –, aussitôt votre regard est en alerte. Il arrive parfois que quelque chose ait changé sans qu’on le voie : de nouvelles lunettes par exemple.

On voit bien que dans le cas du coup d’œil de l’expert, perception globale et sens du détail ne sont pas deux fa­cultés distinctes mais peut-être la même chose.


dimanche 9 juin 2013

Marcher a un pouvoir réel. Marcher est ce qui a fait de nous des humains

William Ury, auteur de "Getting to Yes" (Comment réussir une négociation) nous offre un moyen élégant, simple (mais pas facile) d'arriver à un accord même dans les situations les plus difficiles -- du conflit familial à, peut-être, le Moyen Orient.

Le thème de la négociation difficile me rappelle une de mes histoires préférées du Moyen-Orient, celle d'un homme qui a laissé à ses trois fils, 17 chameaux. Et au premier fils, il a laissé la moitié des chameaux; et au second fils, il a laissé un tiers des chameaux; et au plus jeune fils, il a laissé un neuvième des chameaux. Les trois fils sont entrés en négociation. 17 ne se divise pas par deux. ça ne se divise pas par trois. ça ne se divise pas par neuf. Les caractères des frères ont commencé à se tendre. Finalement, désespérés, ils sont allés consulter une vieille sage. La vieille sage a réfléchi longuement à leur problème,et finalement elle est revenue et a dit, "Bien, je ne sais pas si je peux vous aider, mais au moins, si vous voulez, vous pouvez avoir mon chameau." Dès lors, ils avait donc 18 chameaux. Le premier fils a pris sa moitié -- la moitié de 18 ça fait 9. Le second fils a pris son tiers -- un tiers de 18 ça fait 6. Le plus jeune fils a pris son neuvième -- un neuvième de 18 ça fait 2. Vous arrivez à 17. Il leur restait un chameau en trop. Ils le rendirent à la vielle femme sage.


Maintenant je vais vous emmener un moment dans ce qui est largement considéré comme le conflit le plus difficile, ou le plus impossible, c'est le Moyen Orient. La question est : où est le troisième côté là-bas ? Comment pouvons-nous aller au balcon ? Alors je ne prétends pas avoir la réponse au conflit du Moyen Orient, mais je pense que j'ai un premier pas,littéralement un premier pas, quelque chose que n'importe lequel d'entre nous pourrait faire en tant que troisième côtés. Je vais d'abord vous poser une question. Combien d'entre vousdans les dernières années se sont un jour fait du souci au sujet du Moyen Orient et se sont demandés ce que l'on pourrait faire ? Juste par curiosité, combien d'entre vous ? Ok, donc la grande majorité d'entre nous. Et ici, c'est si loin. Pourquoi portons-nous autant d'attention à ce conflit ? Est-ce le nombre de morts? Il y a cent fois plus de morts dans un conflit en Afrique qu'au Moyen-Orient. Non, c'est à cause de l'histoire, parce que nous nous sentons personnellement impliqués dans cette histoire. Que nous soyons Chrétiens, Musulmans ou Juifs, religieux ou non, nous nous sentons personnellement partie prenante de ce conflit.
Alors en tant qu'anthropologues, nous savons que chaque culture a une histoire originelle.Quelle est l'histoire originelle du Moyen-Orient ? En une phrase, c'est : Il y a 4 000 ans, un homme et sa famille ont traversé le Moyen-Orient, et le monde n'a plus jamais été le même.Cet homme, bien sûr, c'était Abraham. Et ce qu'il défendait c'était l'unité, l'unité de la famille. Il est notre père à tous. Mais ce n'est pas seulement ce qu'il défendait, c'est ce que son message était. Son message fondamental était aussi l'unité, le caractère interconnecté de tout cela, et l'unité de tout. Et sa valeur essentielle était le respect, c'était la gentillesse envers les étrangers. Il est connu pour ça, son hospitalité. Alors en ce sens, il est un troisième côté symbolique du Moyen-Orient. Il est celui qui nous rappelle que nous faisons tous partie d'un plus grand tout. Alors comment vous -- alors réfléchissez un peu à ça un moment.
Alors qu'est-ce que cela donnerait si vous preniez l'histoire d'Abraham, qui est une histoire de troisième côté, et si jamais c'était -- parce qu'Abraham défend l'hospitalité -- si cela pouvait être un antidote au terrorisme ? Si cela pouvait être un vaccin contre l'intolérance religieuse ? Comment feriez-vous pour donner vie à cette histoire ? Maintenant il ne suffit pas de simplement raconter une histoire -- c'est puissant -- mais les gens ont besoin d'expérimenter l'histoire. Ils ont besoin de pouvoir vivre l'histoire. Comment feriez-vous ça ?Et c'était comme ça que j'imaginais que vous alliez le faire. Et c'est ce qui nous amène au premier pas ici. Parce que le moyen simple de faire ça c'est d'aller faire un tour. Vous allez faire un tour sur les traces d'Abraham. Vous marchez dans ses traces. Car marcher a un pouvoir réel. Vous savez, comme anthropologue, je peux vous dire que marcher est ce qui a fait de nous des humains. C'est amusant, quand on marche, on marche côte à côte dans la même direction. Maintenant si je venais vers vous face à face et que je venais aussi près de vous que ça, vous vous sentiriez menacé. Mais si je marche épaule contre épaule, même jusqu'à avoir les épaules en contact cela ne pose pas de problème. Qui se dispute en marchant ? C'est pourquoi dans les négociations, souvent, quand ça se complique, les gens vont marcher dans les bois.
Alors j'ai eu l'idée d'inspirer un chemin, une route -- pensez à la route de la soie, le sentier des Appalaches qui suit les traces d'Abraham. Les gens ont dit "C'est insensé. On ne peut pas faire ça. On ne peut pas retracer les pas d'Abraham. C'est trop dangereux. Il faut traverser toutes ces frontières. ça passe par 10 pays différents du Moyen-Orient parce que ça les réunit tous." Et donc nous avons étudié cette idée à Harvard. Nous avons fait notre audit de faisabilité. Et ensuite il y a quelques années, un groupe parmi nous environ 25 d'entre nous de près de 10 pays différents, ont décidé de voir si nous pouvions marcher dans les pas d'Abraham, en partant de son lieu de naissance dans la cité d'Urfa dans le sud de la Turquie, en Mésopotamie du Nord. Et ensuite nous avons pris le bus et avons fait plusieurs marches et sommes allés à Harran, où, selon la Bible, il a commencé son voyage. Ensuite nous avons traversé la frontière pour entrer en Syrie, sommes allés à Aleppo, qui est en fait nommée d'après le nom d'Abraham. Nous sommes allés à Damas,qui a une longue histoire liée à Abraham. Nous sommes ensuite allés en Jordanie du Nord,à Jérusalem, qui a tout à voir avec Abraham, à Bethléem, et finalement à l'endroit où il a été enterré à Hébron. Donc littéralement nous sommes allées du ventre maternel à la tombe.Nous avons montré que c'était faisable. C'était un voyage incroyable.
Je vais vous poser une question. Combien d'entre vous ont fait l'expérience d'être dans un quartier étranger, ou un pays étranger, et un étranger complet, un étranger parfait, vient à vous et vous témoigne de la gentillesse, vous invite, peut-être, chez lui, vous offre à boire,vous offre du café, vous offre un repas ? Combien d'entre vous ont déjà vécu cette expérience ? C'est l'essence du chemin d'Abraham. Mais c'est ce que vous découvrez si vous allez dans ces villages du Moyen Orient où vous vous attendez à l'hostilité, et vous recevez l'hospitalité la plus incroyable, en lien parfait avec Abraham. "Au nom du père Abraham, laissez-moi vous offrir à manger." Donc ce que nous avons découvert c'est qu'Abraham n'est pas seulement un personnage de livre pour ces gens, il est vivant, c'est une présence vivante.
Et pour abréger, ces dernières années, des milliers de gens ont commencé à marcher sur des portions du chemin d'Abraham au Moyen-Orient, et à profiter de l'hospitalité des gens de là-bas. Ils ont commencé à marcher en Israel et en Palestine, en Jordanie, en Turquie, en Syrie. C'est une expérience incroyable. Des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux -- plus de femmes que d'hommes, en fait, chose intéressante. Pour ceux qui ne peuvent pas marcher, qui ne peuvent pas se rendre sur place actuellement, les gens ont commencé à organiser des marches dans les villes, dans leurs propres communautés. A Cincinnati, par exemple, qui a organisé une marche d'une église à une mosquée puis à une synagogue et ils ont tous pris ensemble un repas Abrahamique. C'était le jour du chemin d'Abraham. A Sao Paulo, Brésil, c'est devenu un événement annuel pour des milliers de gens qui courent sur un chemin d'Abraham virtuel, qui unit différentes communautés. Les médias adorent ça, vraiment ils en sont fous. Ils y accordent beaucoup d'attention parce que c'est visuel, et ça diffuse l'idée l'idée de l'hospitalité Abrahamique de la gentillesse envers les étrangers. Et il y a à peine deux semaines, il y a eu une histoire à la radio sur le sujet. Le mois dernier, il y avait un article dans The Guardian, dans le Manchester Guardian, sur le sujet -- deux pleines pages. Et ils ont cité un villageois qui a dit "Cette marche nous connecte au monde." Il a dit que c'était comme une lumière allumée dans nos vies. Cela nous apporte la paix. C'est donc de cela qu'il s'agit.