dimanche 28 avril 2013

La princesse, la poupée et la licorne


La princesse et la poupée étaient très occupées à terminer leur premier dessin du pingouin. Plongées dans leur travail minutieux, la tête baissée, le nez tout près de la petite feuille de papier, elles s’attachaient à réussir leur premier dessin. Toutes concentrées qu’elles étaient, elles ne virent pas le temps passer. Elles sentirent tout à coup la barque s’arrêter doucement sur la berge. Un peu surprises, elles levèrent la tête ensemble et s’aperçurent que la nuit était presque  tombée. Elle se regardèrent et se serrèrent l’une contre l’autre : il commençait à faire un peu froid. La lune était ronde et blanche. Elle éclairait bien : heureusement, sinon, les deux petites sœurs auraient certainement eu un peu peur du noir. Les nuages passaient de temps en temps devant elle ; ça faisait comme une robe que quelqu’un faisait essayer à la lune. La princesse se mettait volontiers à la place de la lune imaginant le nombre de robes que tous les nuages pouvaient lui confectionner. Le vent était doux, la forêt silencieuse ; seuls quelques croassements de grenouilles se faisaient entendre. « Crôa ! Crôa ! … Crôa ! Crôa ! ». La princesse leur répondit en croassant à son tour « Crôa ! Crôa ! … Crôa ! Crôa ! ». Cela fit beaucoup rire la poupée. Alors, elle s’y essaya aussi pour faire rire sa sœur. « Cra ! Cra ! » La princesse éclata de rire à son tour. 

Mais c’est pas ça du tout ! C’est Crôa ! Pas Cra ! lui conseilla-t-elle gentiment.

Mais la poupée ne l’écoutait plus. Elle regardait fixement vers la forêt et montrait à sa sœur un endroit qu’elle pointait du doigt. Elle avait cru voir quelque chose bouger dans une clairière illuminée par la lune. Les grenouilles s’étaient arrêtées de croasser. La princesse descendit doucement de la barque et aida sa sœur à descendre. Elle pénétrèrent doucement dans la sombre forêt en se tenant l’une à l’autre. Elles s’avancèrent vers la belle clairière illuminée d’une couleur laiteuse : rien ne bougeait, tout était tranquille. Une chouette hulula faisant sursauter les deux sœurs en chœur. La princesse rassura sa sœur en lui disant que ce n’était qu’un oiseau de nuit très gentil.
-      Oui, tu as raison princesse. La chouette est un animal tout à fait pacifique

Les deux sœurs ne purent réprimer un cri d’effroi en plus du bond en arrière qu’elles firent toutes les deux. La voix était sortie de derrière un arbre à quelques mètres d’elles.
-    Ne craignez rien, fit la douce voix. Je ne vous veux aucun mal.  . Je vais me montrer, mais attention, mon apparence pourrait vous surprendre.
-      Allez-y, fit la princesse d’une voix tremblotant
-   Oui, renchérit la poupée, d’une voix tout aussi tremblotante

C’est alors qu’elles virent sortir de derrière l’arbre un drôle de cheval : elles n’en avaient jamais vu de pareil dans tous les livres qu’elles avaient lus. Plutôt de petite taille, tout blanc, ce cheval avait quelque chose d’extraordinaire : une corne lui avait poussé sur le front, un peu comme un rhinocéros. Les yeux tout grands ouverts, les deux sœurs virent s’approcher doucement le petit cheval : elles avaient beaucoup moins peur maintenant.
-    Qu’est-ce que tu as sur le front ? demanda la princesse
-    C’est une corne. C’est pour ça que mon nom est Licorne.
-     Ah ? Tu n’es pas un cheval alors 
-     Pas tout à fait, non.
-    Ah, mais c’est ça ! Le pingouin nous a parlé de toi tout à l’heure. Tu t’occupes aussi des cadeaux que le Père Noël n’a pas pu distribuer ? demanda la princesse un petit peu intéressée.
-     Des cadeaux, des cadeaux, fit la poupée.
-      Je n’en ai plus pour le moment, mais cela viendra surement. Par contre, je suis un animal un peu magique vous savez. Alors, si vous voulez, si vous faites un vœu, je peux essayer de le réaliser.
-      Un vœu ? C’est quoi un vœu ?
-      Et bien, quand on souhaite vraiment quelque chose, cela s’appelle un vœu.
-      Ah ! D’accord !

La princesse entraîna la poupée un peu à l’écart pour discuter avec elle des vœux qu’elles pourraient faire. La licorne les regarda avec tendresse parler entre elles avec beaucoup de concentration. Au bout de quelques minutes, elles revinrent vers la licorne.
-      Voilà, madame Licorne, alors pour le vœu, on voudrait se rapprocher de la lune pour essayer les robes que les nuages lui font.
-      Ah bon ? fit la Licorne un peu surprise. D’accord ! Je vais demander ça à mon amie la Grande Chouette. C’est une grande amie de la Lune.
-      Celle qu’on a entendue tout à l’heure ?
-      Oui, c’est cela. Vous allez faire sa connaissance.

La licorne produisit un hennissement qui ressemblait un peu à un bêlement et tapa trois fois son sabot à terre.
Aussitôt, la belle chouette blanche apparut en vol plané au-dessus de la clairière. Après trois cercles parfaits, elle s’arrêta sur une branche proche. Elle fit signe aux petites filles de venir vers elle. Une branche basse permit aux deux sœurs de grimper vers le bel oiseau. Elles s’installèrent très confortablement au creux des plumes de la chouette. L’oiseau de nuit prit son envol tout doucement pour ne pas effrayer les petites filles, dépassant rapidement la cime des arbres. Ses grandes ailes battaient l’air de manière majestueuse produisant un bruissement captivant. La chouette prit alors un couloir d’air chaud ascendant, ce qui les fit monter en altitude à une allure vertigineuse. La princesse et la poupée, bouche et yeux grands ouverts, ne voulaient rien louper de cette aventure. Elles virent se rapprocher la Lune de plus en plus vite, et plus elles s’en rapprochaient, plus elles étaient excitées à l’idée de voir de près les robes que les nuages confectionnaient pour cette drôle de planète qui changeait de forme si souvent : tantôt fromage, tantôt croissant, tantôt pomme coupée, ça devait être une drôle de personne cette lune et pas facile à habiller du coup.
Arrivée près de la lune, la chouette fit quelques cercles autour d’elle avant de se poser sur le bout d’espace que lui offrait la lune : elle présentait maintenant une forme de croissant. La princesse et la poupée n’y comprenaient rien. En bas, on aurait dit plutôt un fromage … La chouette et la lune commencèrent un dialogue auquel les deux sœurs ne comprenaient rien. Elles voyaient bien qu’elles étaient copines toutes les deux. Elles attendaient patiemment que ça se termine. Elles attendaient les nuages-robes. Elles étaient venues pour ça. Alors, elles attendaient gentiment. Elles virent la lune réfléchir longuement, un sourcil en haut, un sourcil en bas. Puis, elle clignota trois fois. Comme pour faire un appel…

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Tout à coup, elles virent apparaître derrière un nuage proche, une petite souris. Assise sur une bobine de fil, un dé de couture et une paire de  ciseaux, à terre, elle leva les yeux de son journal d’un un air rieur et dit ;
-      Bonjour mes petites ! Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
-      Bonjour petite souris ! On aimerait bien avoir des robes comme les nuages en font à la lune. Tu peux nous en faire, s’il te plaît ?
-      Bien sûr ! Mais vous savez que ces robes sont très légères et que dès qu’il y a peu de vent, elles s’envolent ? Il ne va pas falloir trop vous y attacher. Ce sera un peu comme quand vous faites un gros gâteau : il vous fait envie, très envie. Alors vous le mangez et … hop ! il disparait ! Mais vous gardez longtemps en mémoire le bon goût du bon gâteau. N’est-ce-pas ? Et bien, les robes-nuages sont comme ça ! Vous me promettez de ne pas pleurer lorsqu’elles partiront avec le vent ?
-      Oui, oui. Promis, firent les deux sœurs

Alors la souris couturière fit virevolter ces ciseaux, ses aiguilles et ses bobines de fils. Elle s’affaira peu de temps et en quelques minutes, la princesse et la poupée possédaient au moins cent robes différentes, toutes aussi magnifiques les unes que les autres. Les fillettes étaient aux anges : elles les essayaient toutes, en faisant tourner les volants et les broderies. C’était surement l’un des plus beaux jours de leur vie. Elles dirent un grand merci à la souris, firent cadeau à la lune d’une robe un peu trop grande pour elles puis se tournant vers la chouette ;
-      Bon ! Il va falloir ramener tout ça en bas maintenant…
-      Pas de souci. Elles sont légères comme l’air. Tenez bien vos robes ! En route mesdemoiselles !

La chouette prit son envol et déjà, les robes disparaissaient les unes après les autres à cause du vent. Les deux fillettes s’empêchaient de pleurer : elles avaient promis à la souris. Alors, elles firent l’effort de se souvenir de tous ces beaux cadeaux, comme des gâteaux si bons qu’on ne pouvait pas en oublier le bon goût. Et pour ne pas les oublier, elles sortirent chacune leur petit carnet de vie et se mirent à dessiner toutes ces belles robes.
Arrivées dans la clairière, la licorne les attendait. D’un clin d’œil, elle comprit tout ce qui s’était passé. Elle s’approcha des deux fillettes.
-      Alors ? Cela vous a plu ?
-      C’était surement l’un des plus beaux jours de notre vie, répondit la poupée.
-      Merci beaucoup madame la licorne ! C’était magnifique ! On s’en souviendra toute notre vie et on emmène dans nos petits carnets les belles robes que la souris couturière nous a faites.
-      Au fait ! Comment vous appelez-vous ?
-      Moi, je m'appelle Lena
-      Et, moi, Eline.
-      Très bien ! C’est bien ce que je pensais ! Attendez-vous encore à avoir de belles surprises sur votre route.

La princesse et la poupée regagnèrent leur barque. Elles avaient bien besoin de repos après toutes ces aventures.
Derrière, un rocher, la sirène et le dauphin veillaient toujours, protecteurs et attentifs.


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