Le marcheur glissait
dans un énorme toboggan. Il allait vite. Ça ne ressemblait pas à un jeu.
Il était comme entrainé vers l’inconnu, un inconnu grisant mais inquiétant. Les
parois du toboggan, entre texture métallique et
végétale, lui étaient bizarrement familières. Il descendait, descendait,
descendait. La descente était vertigineuse, sans fin, sans but lui semblait-il.
En tous cas, il n’en voyait pas le bout. Le toboggan était comme suspendu en
l’air : aucun pylône, aucun câble, aucun support, ne venait entraver la
vue de ce demi-tube vert infini dans lequel il se trouvait emporté. Il était
seul ; personne dans le toboggan, personne à l’extérieur. Aucun bruit,
aucune odeur, aucune présence, une ambiance de vide sidéral et sidérant. Solitude
absolue, vitesse ahurissante, à part son expérience, tout ce qui l’entourait était
comme une absence infinie, une non-existence, un trou noir dans le « rien ».
Oppressante impression, vision d’un néant nié, sensation d’abandon et d’absence
de maitrise, le marcheur-glisseur se laissait envahir par cette curieuse apesanteur.
Lorsqu’il tentait de se freiner en faisant frotter ses pieds aux parois du
tube, ses pieds traversaient la fine membrane. Lorsqu’il tentait de le faire
avec ses mains, l’effet était identique. Concentré sur son corps, apeuré par le
risque du vide, il se plaçait du coup au centre du tube pour éviter de tomber. Il ne comprenait pas
pourquoi son corps ne traversait pas la membrane. C’était seulement lorsqu’il
voulait forcer que la paroi se dérobait. Sa gravité seule ne semblait pas
provoquer de déchirure. Comme un obus lancé, le marcheur-glisseur suivait les
circonvolutions du tube qui, au gré des espaces vides, prenaient des allures de
grand huit. Au loin, tout à coup, il crut voir une main tendue au bout d’un
bras immense d’une personne qu’il ne pouvait distinguer. La main grandissait en
même temps qu’il s’approchait, elle devenait énorme, incommensurable, démesurée.
Elle semblait maintenant lui barrer le chemin, bloquant le tube qui passait à
travers elle. La main devenait mur et le mur s’approchait maintenant à une
vitesse hypersonique. Le marcheur-glisseur ferma les yeux très fort, pensant
son dernier jour arrivé : il allait s’écraser contre cette main qui,
avait-il cru allait l’aider à sortir de cette folie. Au moment de l’impact, le marcheur
se réveilla en sursaut et en sueur.
Il conservait encore
toutes les sensations, toutes les impressions, toutes les émotions de ce rêve hors
normes. La solitude revenait encore le travailler même dans son sommeil. Oui,
le changement se vivait solitaire et c’est dans le lâcher-prise que le
changement réussit. Mais son inconscient lui avait là envoyé un message de
plus. Mais lequel ? Que représentait cette main tendue qui devenait sa
perte ? Un éclair de conscience vint alors illuminer sa compréhension :
l’amour que les autres nous offrent peut bloquer notre propre progression,
créant une dépendance qui peut nous arrêter. Trop d’amour nuit et peut écarter
de son propre chemin tout être qui souhaite créer ce déséquilibre avant,
rompant ce lien secret qui lie à l’absence, au dénuement, au néant. Le marcheur
n’avait jamais su réellement comment gérer le lien à l’autre sans tomber dans
la dépendance mais il était maintenant sur le chemin de cette révélation :
quel beau rêve !
Il se retourna pour
se rendormir et sourit.Avant de se rendormir, il eut une deuxième illumination : ce toboggan était son ADN, son propre programme, son chemin personnel... bien sûr.
Merci à @Eva_naissante de m'avoir encore inspiré. "Trop d'amour me nuirait, m'écarterait de moi, de ce lien secret qui me lie à l'absence, au dénuement. "
Merci à @Eva_naissante de m'avoir encore inspiré. "Trop d'amour me nuirait, m'écarterait de moi, de ce lien secret qui me lie à l'absence, au dénuement. "
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire