Je labyrinthe, tu labyrinthes, nous labyrinthons
Le marcheur
était longtemps resté plongé dans ses pensées. Sans s’en apercevoir, il avait
marché près d’une heure en suivant instinctivement le chemin balisé. Un
je-ne-sais-quoi lui fit relever la tête
brusquement : quand avait-il croisé la dernière balise ? Pas moyen de
s’en souvenir. Il fit demi-tour et suivit le chemin quelques centaines de
mètres. Entrainé vers un vallon dont il ne
se souvenait pas non plus, il se dirigeait visiblement dans une direction erronée.
Le paysage qu’il voyait au loin ne lui disait rien qui vaille : il avait
devant lui une alternative inquiétante : soit s’engager dans une sorte de
saignée très pentue, encombrée de rochers et de ronces menaçantes, soit prendre
le risque de s’orienter vers une zone agricole. Il décida de faire demi-tour et
revint sur ses pas : il avait dû manquer un embranchement. Il retourna à l’endroit
où il s’était rendu compte de l’absence de balises et poursuivit dans cette
direction. Il marcha un quart d’heure sans voir aucun signe. L’inquiétude
commença à l’envahir. Il savait qu’il lui restait encore au moins deux heures
de marche sur l’itinéraire normal. Il ne devait pas tarder à le retrouver s’il
ne voulait pas dormir à la belle étoile.
Il pénétra
dans une forêt de buis et de chênes et suivit un chemin qui semblait
régulièrement emprunté par des marcheurs : des traces de pas et quelques
détritus lui confirmèrent son ressenti. Reprenant confiance, il accéléra le
pas. La forêt devenait plus dense, les chênes laissaient la place aux buis qui rendaient
les passages de plus en plus difficiles. Le marcheur était souvent obligé de
baisser la tête pour ne pas se faire griffer
par les branches basses. Son sac restait parfois coincé et il devait jouer des
épaules pour se sortir des pièges végétaux. Il persista dans sa course aveugle
se disant que, de toutes manières, cette forêt donnait sur des espaces plus
dégagés : une fois sorti de ce labyrinthe, il y verrait plus surement plus
clair.
Il
avançait, progressait, se débattait quand la lumière se fit plus claire. Plein
d’espoir, il déboucha sur une clairière. Repérant alors un départ de chemin, il
s’y engouffra : il respirait mieux. Son espoir s’écroula aussi vite qu’il était
monté : il reconnut l’endroit où il se trouvait. Il avait tourné en rond
et était revenu à son point de départ ! Il était bel et bien perdu. Découragé,
il posa son sac pour reprendre ses esprits et se reposer de l’épreuve qu’il
venait de traverser. Il sentait bien que la peur, l’inquiétude et le stress l’empêchaient
d’agir efficacement. Il repensa à ses copines cigognes pour qui se perdre était
un jeu. Après tout, ce qui lui arrivait n’était pas si grave. Même s’il ne
retrouvait pas son chemin ce soir, une nuit à la belle étoile pouvait être une
expérience amusante. Il décida alors de se prêter à un petit jeu. Il prit une
cuillère dans son sac. Il lui imprima un mouvement circulaire pour la faire
tourner en l’air et prit la décision de se diriger dans la direction que lui
indiquerait le manche de la cuillère. Respectant ce qu’il avait décidé, le
marcheur prit une direction qui ne correspondait pas à ces deux premiers choix.
Après quelques centaines de mètres un peu difficiles, il déboucha sur le
chemin balisé dont il s’était écarté.
Intuition,
persévérance, opportunisme et jeu : autant de qualités à développer pour
labyrinther joyeusement : les cigognes avaient bien raison.
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