mercredi 25 juillet 2012

En avant, Route !

LA RAGE DE FUIR
Et tu marchais. Pour partir, marcher, il faut de la colère. Cela ne vient pas du dehors. Pas marcher comme un appel du large, une promesse de vérité ou la ten-tation du trésor. Mais plutôt d’abord cette rage intérieure. Au creux du ventre la douleur d’être ici, l’impossibilité à demeurer en place, à s’enterrer vivant, à rester simplement. Il fait mauvais chez vous, écrivait-il depuis les montagnes du Ha-rar. Chez vous, les hivers sont trop longs et les pluies sont trop froides. Mais enfin là, vers chez nous, en Abyssinie, c’est impossible aussi cette misère et cet ennui, cette immobilité lasse : rien à lire, personne à qui parler, rien à gagner. Ici, c’est impossible. Impossible ici un jour de plus. Ici, c’est « atroce ». Il faut partir. « En avant, route ! » Toute route bonne à prendre, tout chemin vers le soleil, vers plus de lumière, d’aveuglement sourd. Ce n’est sans doute pas mieux ailleurs, mais c’est au moins loin d’ici. Il faut la route, pour s’y rendre. « Les poings dans mes poches crevées ». Il n’y a que sur la route vraiment, sur les sentiers, sur les chemins que ce n’est pas ici.
Au revoir ici, n’importe où.

Arthur Rimbaud

Marcher, une philosophie.

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