dimanche 11 mars 2012

Les valeurs d’un médecin de ville, sédentaire nomade


Pierre exerce la profession de médecin de ville depuis plus de vingt ans dans son cabinet duquel il n’a jamais bougé.

-       Pierre, ne jamais bouger de son lieu de travail, à part pour tes visites à domicile,  n’est-ce pas un peu sclérosant ?

-       Et bien curieusement, non, fit-il en souriant. Le quotidien me permet de bouger tous les jours.

-       Comment ça ? Tu as une clientèle qui change peu, tu as tes « habitués », des familles que tu suis depuis vingt ans, ton Jeudi qui est invariablement destiné à ta formation, tes réunions ou tes tâches administratives. Contrairement au médecin de campagne, le médecin de ville est perçu comme un vrai sédentaire.

-       Détrompe-toi ! Je bouge tous les jours dans mes pratiques, dans ma manière de voir les pathologies, dans mes diagnostics, et heureusement ?! Imagine que nous ayons aujourd’hui les mêmes compétences qu’il y a vingt ans ?! Ça ferait pas mal de dégâts, non ?

-       C’est vrai ! Mais, physiquement, tu ne bouges pas beaucoup !

-       Ça, je veux bien le reconnaitre, répondit Pierre en me souriant, sa main sur son ventre rebondi. Mais faut-il changer de cabinet tous les trois ans pour obtenir tes faveurs et faire partie de la famille des nomades ?

-       C’est une bonne question !

-       Tu sais, je reçois aussi des gens du voyage parfois. Et bien, je me suis aperçu que des valeurs communes nous rapprochaient et que par certains côtés je me reconnaissais en eux.

-       Ah oui ? Par exemple ?

-       La solidarité. Les gens du voyage ont développé de manière assez naturelle une forte solidarité entre eux, afin de s’entraider dans l’adversité, pour mieux se protéger les uns les autres aussi. Tiens, lis ; c’est le serment d’Hippocrate

Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés.
Reçu(e) à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager  les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission. Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J'apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu'à leurs familles dans l'adversité.


Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j'y manque.

Tu peux y lire notamment notre engagement à soigner les nécessiteux et à apporter notre aide à nos confrères ainsi qu’à leur famille.

-       C’est vrai ! Je n’avais jamais lu le serment d’Hippocrate sous cet angle.

-       Mais il n’y a pas que ça qui me rapproche des nomades. Outre notre obligation à toujours être à la pointe des savoirs, la solidarité dont nous faisons preuve entre nous et vis-à-vis des plus pauvres, nous avons développé une constante humilité : notre puissance se limite à notre savoir et si nous l’oublions, nous sommes vite rattrapés par la réalité. Même si la médecine a fait des progrès considérables ces dernières années,  les cas que nous ne parvenons pas à sauver sont là pour nous le rappeler. 

L’arrogance se marie souvent à la stabilité : les certitudes remplacent les doutes, les assurances les interrogations et le pouvoir dominant l’écoute des autres. L’humilité est la fiancée du changement. Parce que changer c’est aussi changer de manière de faire, de voir, de provoquer les choses, changer c’est aussi faire preuve de modestie et de simplicité.

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