dimanche 25 mars 2012

Itzakh Perlman : des ressources insoupconnées, un soupçon d'humilité

"Le 18 novembre 1994, Itzhak Perlman, peut-être le plus grand violoniste que le peuple juif a eu, entra sur la scène du Lincoln Center à New York pour donner un concert. Si vous avez déjà assisté au moins une fois à un concert de Perlman, vous savez qu’arriver sur scène n’est pas une petite réussite pour lui. En effet, durant son enfance, il a souffert de polio et par conséquent ses deux jambes sont maintenues avec des bandages herniaires et il marche en utilisant deux béquilles.
Le voir traverser la scène en avançant d’un pas à la fois, douloureusement et lentement, est une vision étonnante et inoubliable. Il marche avec peine mais majestueusement jusqu’à arriver à sa chaise. Alors, il s’assoit doucement, pose ses béquilles sur le sol, desserre les bandages herniaires de ses jambes, il prend et met un de ses pieds vers l’arrière et étend l’autre vers l’avant, il s’incline et lève le violon, il le pose sous sa joue, fait un signe de la tête au directeur et commence à jouer. Le public est déjà habitué à ce rituel. Et tout le monde reste assis et silencieux de manière révérencielle pendant que Perlman réalise son rituel habituel. Le public attend jusqu’à ce qu’il soit prêt à jouer. Mais, cette fois, quelque chose se passa mal. Juste au moment où il terminait ses  premières mesures, une des cordes de son violon se cassa. Nous avons pu entendre le bruit qui résonna comme un tir en traversant la salle. Il n’y avait aucun doute sur ce que ce bruit signifiait. Il n’y avait aucun doute non plus sur ce qu’il devrait faire. Ceux qui étaient assis là ce soir pensèrent : “Il devra se lever, se mettre les bandages herniaires à nouveaux, lever les béquilles et se traîner à l’extérieur de la scène soit pour trouver un autre violon soit pour trouver une autre corde pour le sien”. Ou est-ce que quelqu’un lui en apportera une ? Mais, il ne fit rien. A la place, il attendit un moment, ferma ses yeux et ensuite il fit un signe au directeur pour commencer de nouveau, et il joua à partir de l’endroit précis où il s’était arrêté. Et il joua avec tant de passion et tant de puissance et tant de pureté, comme nous ne l’avions jamais entendu auparavant. Bien entendu, tout le monde savait qu’il est impossible d’interpréter un travail symphonique avec seulement trois cordes. Mais, ce soir-là, Itzhak Perlman refusa de le savoir. Si vous aviez pu le voir en train de moduler, changeant et recomposant la pièce dans sa tête... Lorsqu’il termina, il y eut un silence impressionnant dans la salle et alors les gens se levèrent et  l’acclamèrent avec des applaudissements extraordinaires qui provenaient de chaque coin de l’auditorium. Nous étions tous debout en criant et l’encourageant, faisant tout ce que nous pouvions pour montrer à quel point nous avions apprécié ce qu’il venait de faire. Itzhak sourit, se sécha la sueur de ses sourcils, arrêta sa révérence pour nous apaiser et dit ensuite, sans prétention, mais avec un ton révérencieux, pensif et calme, “Vous savez... parfois... la tâche d’un artiste est de découvrir quelle musique il peut encore faire avec seulement ce qu’il lui reste ou ce qu’il a perdu”. Et la musique qu’il joua ce soir-là avec seulement trois cordes, fut plus belle, plus sacrée et plus mémorable que n’importe laquelle qu’il avait interprétée auparavant avec les quatre cordes du violon."

Jack Riemer, Chronique de Houston
http://www.morim.org/getfile.aspx?id=5170

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire