Chaque semaine, je vous fais partager des extraits de mon nouveau livre "Sagesses nomades". Cette semaine, un dialogue entre le voyageur et un cheval, libre malgré les entraves.
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- Votre espèce a toujours accompagné l’espèce humaine
pour l’aider à porter, cultiver, voyager.
Espèce domestiquée et encore parfois, sauvage, vous avez traversé les âges
et semblez avoir conservé les rituels de vos origines nomades et en même temps
vous vous adaptez très bien à votre existence sédentaire. Comment
faites-vous ?
La jument prit le temps de brouter une touffe d’herbe
avant de lui répondre.
- Eh bien je crois que nous nous sentons libres malgré
les barricades, malgré les clôtures, malgré les contraintes. Libres entourés de
barbelés, cela peut paraitre contradictoire, évidemment.
- Je confirme.
- Vous savez, si nous regardions seulement notre passé
avec nostalgie, il nous enfermerait encore plus que ces barrières. Notre passé est là pour construire notre
avenir : pas pour nous entraver.
Le voyageur rebondit sur ce que venait de lui dire la
jument.
- Un auteur célèbre, Jean de La Fontaine, a écrit une
fable « Le chien et le loup » dans laquelle, il prône la liberté
contre la prison que représente la domestication des animaux. Qu’en
pensez-vous ?
- D’un certain point de vue, il a probablement raison,
et le loup peut considérer que le chien s’est laissé enfermer par
l’homme ; question de perception en fait. Les mustangs sauvages, s’ils
nous rencontraient, pourraient avoir le même point de vue sur nous. Nous voyons
cet enclos comme un espace sécurisé mis à notre disposition, pas comme une
prison. Et dans cet enclos, nous restons libres de continuer à vivre comme bon
nous semble. Il y a des choses que nous ne pouvons pas changer : les
accepter, c’est rester libre.
- D’accord, mais si demain, les hommes vous attachent à
un piquet avec une corde de cinq mètres de long ?
- Dans ce cas, je chercherais probablement à briser
cette corde : si elle cède, je m’enfuirais. Si je n’y parviens pas, c’est
une nouvelle entrave que je devrais accepter.
Le voyageur, un peu estomaqué par ce que venait de lui
exprimer la jument, répondit, enjoué.
- Merci beaucoup ! Vous m’avez vraiment inspiré et
je salue votre philosophie. Je ne suis pas sûr d’appliquer ces principes tous
les jours. Mais, en tous cas, ils me resteront en mémoire, c’est certain !
- Vous m’en voyez très honorée ! Et merci pour
votre recette de compote ? C’est bien comme ça que vous l’appelez ?
- Oui, oui, c’est bien ça, répondit le voyageur en
souriant.
- Même si je ne cuisinerai probablement jamais, vous
m’avez montré une autre utilisation des pommes, et c’est déjà beaucoup :
je crois que je ne mangerai plus jamais les pommes de la même manière.
Sans un
mot de plus, il lui fit un signe de la main, remit son sac d’un coup d’épaule
et tourna les talons. Il entendit la jument le saluer avec un doux
frémissement.
Quelle
sagesse que de considérer les barbelés comme des opportunités de rester
libre ! Pas facile et surement discutable évidemment, la difficulté
résidant dans l’estimation ou la perception de ce qui est sous notre contrôle
ou pas.
Le
voyageur pensa sombrement que la société dans laquelle il vivait offrait de
plus en plus de contraintes : normes, règles, lois en tous genre qui
entravaient la liberté de tous. Un jour, les gendarmes lui avaient demandé
d’arrêter de brûler ses déchets végétaux dans son jardin sous peine d’une
amende. Il avait obtempéré puis quelques temps après, avait recommencé,
considérant que cette contrainte était idiote, au risque de payer l’amende.
Plus
douce, d’autres obligations tentent d’entraver notre liberté. Par exemple, il
recevait régulièrement des courriers qui tentaient de le contraindre à passer
des contrôles de prévention de maladies diverses. Il considérait que c’était
son choix de répondre positivement ou non, malgré les arguments avancés :
sécurité, prise en charge précoce plus efficace.
Ne pas
respecter d’autres contraintes ou règles était bien plus difficile, voire
impossible, que ce soit des contraintes morales « Tu ne voleras
point », sociales « Tu paieras tes dettes » ou juridiques
« Tu ne tueras point ». L’intention de toutes ces contraintes était
sans doute positive. Il avait la faiblesse de penser qu’à l’origine, résidait
une volonté de vouloir préserver la sécurité, la santé, la propriété. Les
théories du complot qui tendaient à vouloir faire croire que tout était calculé
pour contraindre les citoyens de la planète à respecter un ordre mondial avec
une intention de trépanation collective à des fins lucratives ou de prise de
pouvoir, ne parvenaient pas à le convaincre. Il était convaincu que, quelques
soient les contraintes d’un système auquel il était confronté – et il y en
avait toujours- chacun pouvait-devait-
garder son périmètre de responsabilité et d’influence. La pensée unique
guettait les humains plus aujourd’hui qu’hier : mais peut-être encore plus
aujourd’hui qu’hier, le voyageur pensait que la pensée libre était salvatrice,
et que nous avions toujours le choix d’accepter les contraintes de manière
soumise ou, au contraire, comme le lui avait démontré la jument, de le faire en
se créant une opportunité de vivre libre.
L’enfant,
qui, en classe, laisse échapper ses pensées en observant l’oiseau perché sur
l’arbre de la cour, choisit de se libérer plutôt que de regarder, impatient, la
pendule qui n’avance pas.
Être
libre, c’est rester maître de ses choix, de ses décisions, de ses convictions,
y compris dans un cadre contraignant. Ce cercle vertueux permettait selon le
voyageur de résoudre ce doux paradoxe qui existait entre contrainte et liberté..
Copyright © Yann Coirault 2018
Illustrations Copyright © Karine Saigne 2018
Illustrations Copyright © Karine Saigne 2018
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