Sans objectif, point de salut donc ?
Albert O. Hirchman (Development Projects Observed, Washington Brookings Institution, 1967) dans sa critique du modèle rationnel de prise de décisions. Hirchman avance deux idées ou principes. « Les hommes ne savent jamais très bien ce qu’ils veulent : ils découvrent leurs buts, souvent des buts nouveaux, à travers leur expérience, donc à travers leurs décisions »
Les pratiques de progrès fondent leur réussite sur la mise en place d’étapes et la mesure de l’avancement par-rapport à ces étapes. Ça commence à l’école, où le système demande à l’élève de passer par des étapes en réussissant des « examens » pendant lesquels le corps enseignant observe de manière attentive son degré d’instruction. Cela continue par la pratique de sports ou de disciplines artistiques ; même schéma. Puis encore, dans la vie professionnelle, où le système nous demande d’atteindre des objectifs de performance, de productivité, de chiffre d’affaires.
Un objectif permet de se mettre en tension- tendre vers- d’élargir le champ de ses capacités, de se rapprocher de sa propre limite (ou celle qu’on imagine, en tous cas) - vous savez ? la fameuse barre des 10’ aux 100 mètres, qui a fait et qui fera encore longtemps rêver de nombreux sprinters-.
Mais l'objectif est-il pour autant un gage de réussite de nos évolutions ? Ne gâche-t-il pas les initiatives, les libertés, l'imaginaire ? L’obnubilation du but ne nous empêche-t-elle pas de regarder le bout de nos pieds ? Ne nous amène-t-elle pas à trébucher plus qu'à atteindre l'objectif ?« On ne va jamais aussi loin que lorsque l'on ne sait pas où aller. » (Oliver Cromwell- Homme d’Etat Anglais du XVIème siècle).
La dictature de l'objectif nous entraine vers un monde où avancer sans est une ineptie, le fonctionnement en mode Projet dans les entreprises est aujourd'hui réputé pour générer un stress énorme, pression du temps, du respect des jalons intermédiaires, des procédures. Les gouvernements s'y mettent, le monde enseignant y est depuis longtemps, le monde hospitalier s'y contraint.
Et si nous laissions aller, si nous faisions confiance, si nous mettions notre énergie dans le présent plus que l’œil sur les compteurs et les tableaux de bord ? Et si nous nous demandions pourquoi nous avons besoin d'un objectif pour avancer.
Si nous tentions le lâcher-prise ?
(1) Calligraphie d'Hassan Massoudy "Calligraphies d'amour"
Changement de paradigme ?
RépondreSupprimerEt si nous alternions ? Ni tendus perpétuellement sur l'atteinte des objectifs, ni relâchés sans orientation de notre vie.
Mais plutôt, comme une respiration :
* Tension. Comme l'inspir, se gonfler d'air, tendre ses muscles, s'orienter vers un but, mobiliser sa force et son énergie.
* Relâchement. Comme l'expir, vider ses contraintes internes, ses toxines, tout en utilisant cette énergie mobilisée.
* Arrêt. Instant subtil non orienté, d'attente que le souffle revienne. Instant ou le relâchement pourrait être total... Et il ne l'est pas... Courir tout de suite, Remplir le vide, chercher une reconnaissance de ce que l'on produit, Rentabiliser son temps...
Par rapport à ton interrogation :
* Pourquoi avons nous besoin d'un objectif pour avancer? Parce que si je ne dis pas dans quel sens je dois aller, je ne peux pas dire si j'avance...
* Pourquoi avons-nous besoin d'un objectif pour vivre ? Une tout autre question....
La respiration a sans doute à voir avec l'avancement. Le lâcher-prise aussi. Et que se passe-t-il quand nous laissons aller les choses avec l'assurance que ce sera réussi sans savoir pourquoi ce sera réussi ?
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