Le Roi Arthur se promenait à cheval dans la forêt de Brocéliande. Tout à coup, au détour d'un sentier, il vit apparaître devant lui un magnifique cerf. Jusque là, rien de bien surprenant : la forêt en compte des centaines. Non, la particularité de ce cerf était qu'il était blanc, totalement blanc, des bois aux sabots.
Le Roi Arthur, en chasseur invétéré, dégaina son arc et l'arma doucement sans faire aucun bruit. Le cerf le regardait toujours, droit dans les yeux, comme sûr de lui. Au moment où il voulut lâcher sa flèche, le Roi fut bousculé par quelque chose qu'il ne put identifier tout de suite. Son cheval fit une embardée et Arthur eut du mal à rester en selle. Le fier destrier- enfin, fier c'est une manière de dire- enfin calmé, le Roi Arthur put se retourner et ne vit dans un premier temps qu'une partie d'une jambe énorme qui appartenait elle-même à un corps immense, et, vert.
- Il n'y a que moi qui ai droit de vie ou de mort sur les animaux magiques de cette forêt, lança le géant du haut de sa hauteur. Pour te punir Arthur, tu auras la tête tranchée.
Le souverain déglutit, puis se reprit, redressant la tête et le cou
- Qu'est ce qui te ...
- Tais-toi ! l'interrompit le géant vert. Comme c’est la première fois que je te prends sur le fait, je vais te laisser une chance. Si tu ne veux pas avoir la tête tranchée, tu devras répondre à une question.
- Laquelle ? fit le roi Arthur, un peu soulagé quand même
- La question est la suivante : quel est le plus ardent désir d'une femme ?
- Cela me semble simple, pensa Arthur assuré de trouver la réponse facilement avec toutes les femmes de son royaume : il lui suffira de toutes les interroger.
Et le géant poursuivit
- Tu as un an, jour pour jour, pour trouver la réponse, et tu as droit à autant de réponses que tu le souhaites. Maintenant, va !
Rentré à Camelot, le Roi alla voir son épouse, Guenièvre.
- Guenièvre, dis-moi. Quel est ton plus ardent désir ?
- Avoir beaucoup d'enfants, une ribambelle d'enfants, pour les entendre rire, les voir grandir et les aimer de tout mon cœur.
Arthur retourna alors voir le géant et lui dit ;
- Ça y est ! J'ai trouvé la réponse
- Vas-y ! Je t'écoute.
- Le plus ardent désir d'une femme est d'avoir des enfants.
- Non. Ce n'est pas la bonne réponse, réfuta le géant vert.
Le souverain, dépité, reprit son chemin vers Camelot et alla voir sa demi-sœur, la fée Morgane
- Dis-moi, ma chère sœur. Quel est ton plus ardent désir ?
- La toute puissance, évidemment, lui répondit-elle.
Arthur retourna voir le géant et lui dit :
- Ça y est ! J'ai trouvé la réponse
- Vas-y ! Je t'écoute.
- Le plus ardent désir d'une femme est d'obtenir la toute puissance
- Non. Ce n'est pas la bonne réponse, réfuta le géant vert.
Et le roi Arthur, pendant toute une année, interrogea toutes les femmes de son royaume, en leur posant la même question. Mais à chaque fois qu'il rapportait la réponse au géant vert, celui-ci lui disait, immanquablement
- Non.Ce n'est pas la bonne réponse.
Alors, au jour dit, toute la cour, bien au courant du défi que le roi n'avait pas réussi à relever, s'était rassemblée dans la cour principale. Tous pleuraient à chaudes larmes. Les embrassades et les étreintes furent longues et humides. Le roi quitta Camelot, digne et simplement vêtu d'une tunique.
En chemin, il rencontra Egèrne, sorcière bien connue du royaume : on priait à chaque sortie pour ne pas la rencontrer. Elle était hideuse, puante et désagréable. Elle possédait, notamment, un nez tellement long et crochu qu'il lui rentrait dans la bouche. La voyant au loin, Arthur tenta de faire un détour, mais Egèrne lui fit signe de s'approcher.
- Bonjour Arthur.
Le roi fut obligé de se pincer le nez, tellement l'haleine fétide de la sorcière empestait.
- Bonjour, fit le souverain nasillard
- Je suis au courant, tu sais, de ton défi, et, moi, je connais la réponse, ricana la vilaine Egèrne
- Tu connais la réponse ? Mais donne-la moi vite ! C'est une question de vie ou de mort.
- Ah non, non, non. Je ne donne rien sans rien, moi. Contre la réponse, je souhaite épouser l'un de tes chevaliers, et celui que je préfère est le chevalier Gauvain, le champion des demoiselles en détresse.
- Ah ! Oui ! Effectivement ! Pour toi,cela me semble adapté, fit le roi amusé
- Tu te moques de moi ? répondit la sorcière agacée
- Non, non, non. Je pensais juste à Gauvain.
Arthur hésitait bien sûr. Il se voyait annoncer la mauvaise nouvelle à Gauvain....Mais il connaissait aussi Gauvain et son dévouement pour son roi. Il lui trouverait d'autres avantages pour contre balancer ce sacrifice.
- D'accord. Tu épouseras Gauvain. Donne-moi maintenant la réponse.
La sorcière fit signe à Arthur de se pencher vers elle, ce qu'il fit avec grand dégoût. La sorcière lui susurra alors la réponse à l'oreille.
Le roi courut rejoindre le géant vert et lui dit ce que lui avait fait découvrir Egèrne. Le géant lui dit alors
- C'était bien la bonne réponse. La sorcière t'a sauvé la vie. N'oublie pas ta promesse. Va maintenant mais si je te reprends à tenter de tuer mes animaux magiques, tu n'auras pas d'énigme à résoudre.
Le roi guilleret, retourna vers Camelot en sautillant. Les fêtes pour son retour durèrent sept jours et sept nuits et au septième jour, les noces entre Gouvain et Egèrne eurent lieu.
A la fin de la soirée, Gouvain savait ce qui l'attendait. Il dut porter sa laide dans sa chambre pour la nuit de noces qu'il imaginait effrayante. Il déposa la sorcière puante sur son lit retourna fermer la porte et se retourna.
A sa grande surprise, la sorcière s'était transformée en une princesse d'une beauté inimaginable, la taille fine, de longs cheveux bruns éparpillés sur la couche blanche, des yeux violets d'un éclat de pierre précieuse.
- Eh oui, mon valeureux chevalier. Tu viens de découvrir mon sort. Je ne peux être belle qu'une partie de la journée seulement. Le reste du temps, je suis la sorcière que tu as pris dans tes bras. Alors, j'ai une question. Que préfères-tu ? Que je sois belle le jour et laide la nuit ou bien l'inverse ?
Quel affreux dilemme pour Gouvain ! Il tourna et retourna la question dans sa tête sans pouvoir se décider.S'il choisissait la première option, il pourrait se pavaner comme un coq avec à son bras l'une des plus belles princesses du royaume mais ses nuits risquaient d'être difficiles. S'il choisissait la deuxième option, il passerait assurément des nuits de rêve mais devrait supporter les sarcasmes de tous les sujets de Camelot.
Alors, au bout de quelques minutes, il dit à Egèrne ;
- Ecoute, je ne sais pas. Fais-donc comme tu veux !
Un éclair blanc éclata alors dans la chambre et Egèrne fut debout en un instant, le visage radieux et embrassa Gouvain.
- Tu viens de me libérer de mon sort. Merci, merci mille fois Gouvain.
- Mais, comment ? Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je dit ?
- Et bien. Tu te souviens de la question du géant vert ?
- Oui bien sûr. Quel est le plus ardent désir d'une femme ?
- Et bien, la réponse est "Avoir le choix". Mon sort était de réaliser le désir le plus ardent pour une femme et tu l'as réalisé. Merci.
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