Parti à l’assaut d’une colline qui lui semblait sans fin, il repéra une souche accueillante à l’ombre d’un grand chêne. Il posa son sac sur le sol, son chapeau sur la souche et son regard sur une curieuse brindille qui dépassait d’une pierre recouverte de mousse. Il avança la main et la brindille se mit à bouger. Surpris, le pèlerin fit un brusque mouvement de recul
- Mais qu’est-ce que c’est ?, dit-il.
- On ne dit pas « Qu’est-ce que c’est ? » d’un être vivant, Monsieur, mais « Qui êtes-vous ? »… Alors, pour répondre à cette deuxième question, je vais me présenter. Je suis un phasme. Non, non pas un fantasme, un phasme !
Le pèlerin ahuri, écarquillait les yeux pour savoir d’où venait cette voix. Le phasme avait bougé et s’était fondu dans la branche sur laquelle il se trouvait maintenant, juste à côté de la pierre, pas très loin de la souche sur laquelle se trouvait le chapeau du pèlerin.
- Mais qui parle ? dit le pèlerin
- Monsieur, j’aimerais que vous me promettiez quelque chose avant de me montrer ! dit le phasme
- Oui ! Bien sûr ! répondit le pèlerin
- Promettez-moi d’abord de ne rien me faire !
- Je m’y engage si tu fais de même.
- Très bien, je m’y engage aussi ! Et j’ai une autre demande, tenta le phasme.
- Laquelle ? interrogea le marcheur un peu impatient.
- Je voudrais savoir ce qui vous fait marcher !
- Je vais essayer ! dit le pèlerin, un peu pris de court, n’ayant pas beaucoup réfléchi à ça. Mais alors à une condition !
- Laquelle ? dit le phasme
- Que vous me disiez ce qui vous fait vous cacher !
- D’accord ! répondit le phasme, sûr de lui.
Fin de négociation. Le phasme bougea lentement et se mit à marcher en vibrant vers la pierre recouverte de mousse. Le pèlerin le découvrit alors : il se frotta les yeux pour être sûr de ne pas rêver. Une brindille vivante !
- Alors, maintenant que je me suis mis à découvert, dites-moi, ce qui vous fait marcher, pèlerin !
Le pèlerin réfléchit et avança.
- Ce que j’aime quand je marche, c’est que je me sens léger. Il y a dans la marche une légèreté d’être qui rappelle à chaque pas combien il est important de ne porter sur soi que ce qui est indispensable. Voilà pourquoi je marche, je crois : pour découvrir en moi ce qui est essentiel.
Le pèlerin était content de ce qu’il venait d’exprimer. Il baissa les yeux vers le phasme et lui demanda ;
- A vous maintenant ! Alors, qu’est ce qui vous fait vous cacher ?
- Ce que vous venez de me dire m’a permis de réfléchir. Ma première réponse, je l’avais déjà en tête quand vous m’avez posé la question tout à l’heure. Vous m’avez vu marcher ? On ne peut pas dire que je sois un champion de la course à pattes. Mon camouflage me permet évidemment de ne pas être mangé tout cru par les oiseaux. Mais je pense qu’il y a une autre raison à cela.
- Ah oui ? Et laquelle ? demanda le pèlerin.
- Je pense que quand je suis invisible, ça me permet aussi de rester très longtemps seul avec moi-même et je me rends compte que ça me fait vraiment du bien, répondit le phasme, tout étonné de sa propre découverte.
- Ca, c’est une belle leçon ! Je pense aussi que je marche pour me ressourcer et me retrouver. Merci, cher ami. Je vais vous souhaiter une belle continuation. Je vais continuer mon chemin.
Suite au prochain épisode
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